Les commandements de l’Église

Les commandements de l’Église

     Une courte procession gravissait la nef centrale de l’Église quand des centaines de voix entonnaient un beau chant de rassemblement liturgique qui faisait retentir un refrain magnifique : Seigneur nous arrivons des quatre coins de l’horizon, nous voilà chez toi. Des chrétiens venus de divers sentiers formant un seul corps, un peuple assemblé pour proclamer les louanges du Dieu vivant. De cette contemplation liturgique, nait dans les profondeurs de l’âme une vérité qui mérite annonce et proclamation : la célébration liturgique est le pôle d’attraction de toute la vie chrétienne.

     En effet, la sainte Messe est ce vers quoi nous tendons ; c’est le haut lieu de notre sanctification. Il est aussi beau et réconfortant de découvrir que nos petits chemins de vie sont ordonnés au mystère de la vie de celui qui est le Chemin. Oui Jésus est le chemin qui conduit au salut. Cette vision sotériologique des réalités ecclésiales nous porte aussi à entrevoir toute l’action pastorale et disciplinaire de l’Église comme chemin qui indique le Chemin ; cheminement terrestre vers le Chemin qui induit au secret de la vie sans fin. Tout cela est bien à l’avenant de toute la discipline ecclésiastique qui en référence à la Loi éternelle fait tout concourir au salut des âmes. Dans cette veine, nous recevons avec passion et joie les commandements de l’Église, parfois méconnus de certains fidèles mais toujours présents et vivants chaque fois que le peuple chrétien se rassemble pour la célébration de saints mystères.

     Au-delà des considérations juridiques et même philosophiques de la loi, nous comprenons fondamentalement qu’elle est un chemin ; elle en est le vrai dans la mesure où elle conduit vers le Christ qui se révèle à toutes les stations de notre histoire comme le Chemin. Ce Chemin qui ouvre toute la littérature et la musique du Psautier. Ne lit-on pas au Psaume premier qu’il existe deux voies, celle de la vie et celle de la perdition ? Et saint Jean nous permet de contempler en Jésus ce Chemin de vie (cf. Jn 14, 6) qui présuppose l’amour comme énergie de la route, amour donné en Eucharistie dans l’action sacramentaire de la sainte mère Église. De plus, il convient de rappeler que l’Église continue l’œuvre du Christ ce qui est logique puisque c’est l’Esprit du Christ qui conduit l’Église. De ce fait, les commandements de l’Église ont pour but de nous associer de plus en plus à l’œuvre salvifique du Christ, sans cesse renouvelée sacramentellement dans la célébration du Banquet pascal.

     Voici quelques caractéristiques générales de ces commandements avant d’entamer une analyse particulière de chacun d’eux :

– L’Église a le pouvoir de légiférer à travers le Souverain Pontife et les Évêques. Et cela est biblique en fonction du pouvoir des clés que le Christ avait confié à saint Pierre (Mt 16, 18-19).

– Les commandements de l’Église sont au nombre de six (6) et ils ne remplacent pas le Décalogue.

– Ils sont consignés dans les documents officiels de l’Église (cf. CC 1246-1248 / CEC numéros 2041-2043).

– Les commandements de l’Église établissent le lien indissociable entre la vie morale (vertueuse) et la vie liturgique.

– Ils ont pour auteur la sainte Église et doivent être appliqués par les fidèles.

     Pour cette analyse particulière et brève de chacun de ces  commandements de l’Église, nous suivons l’ordre du Catéchisme de l’Église Catholique et notre démarche sera aussi en lien avec ce que dit le Code de droit canonique de 1983. Avant d’aller plus loin, nous voulons rappeler que les commandements de l’Église mettent en évidence l’importance de la vie sacramentelle et liturgique de l’Église. D’ailleurs, les sources canoniques des commandements de l’Église sont principalement données au livre IV du Code qui parle de la fonction de sanctification de l’Église exercée par le moyen de la liturgie et des sacrements. Dans cet ordre d’idées, le Canon 840 nous dit ceci : « Les sacrements du Nouveau Testament institués par le Christ Seigneur et confiés à l’Église, en tant qu’action du Christ et de l’Église, sont des signes et moyens par lesquels la foi s’exprime et se fortifie, le culte est rendu à Dieu et se réalise la sanctification des hommes ». C’est évidemment dans cette atmosphère de sanctification que les commandements de l’Église nous introduisent.

Le premier commandement : Les dimanches messes entendues et les fêtes pareillement

     Ce premier précepte nous rappelle l’obligation de participer à la Messe chaque dimanche ainsi que pendant les fêtes. L’obligation des solennités étant reprise au quatrième commandement, nous portons l’accent ici sur le dimanche. Pour les catholiques, le dimanche est le jour du Seigneur. C’est le premier jour de la semaine qui a revêtu une grande importance religieuse puisque c’est le jour de la Résurrection du Seigneur (cf. Mt 28, 1-7 / Mc 16, 9 / Lc 24, 1-6 / Jn 20, 1. 17). La Résurrection du Seigneur est la lumière de la nouvelle économie religieuse qui a son fondement théologique dans le mystère de l’Incarnation. Cet événement est ainsi le lieu de la manifestation suprême de la gloire de Dieu qui donne la victoire à son Christ. De cette façon, depuis la petite communauté post-pascale, le dimanche est rapidement devenu le jour saint, le jour de rassemblement des croyants marqués du signe de la Résurrection et aussi le jour du culte (cf. Ac 20, 7 / 1 Co 16, 2). Ainsi, par la participation à la célébration eucharistique du dimanche, nous rejoignons cette grande tradition de l’Église qui nous unit au Christ, aux apôtres, aux martyrs et à tous les saints pour offrir à Dieu le Père, le sacrifice du Fils dans l’Esprit. La Messe est donc la plus grande prière de l’Église et le haut lieu de la manifestation de l’universalité de l’Église. Ce premier commandement de l’Église ou cette première étape de notre sanctification est un parfait retentissement de la Didascalie des Apôtres qui dit ceci en son chapitre 13 : « Que le peuple soit fidèle à se réunir dans l’Église, qu’il n’y manque pas, mais soit fidèle à se rassembler afin que personne ne diminue l’église en n’y allant pas, et ne diminue d’un membre le corps du Christ ».

Le deuxième commandement : Tu confesseras tous tes péchés à tout le moins, une fois l’an

     Avec ce deuxième pas vers notre sanctification, l’Église nous propose le chemin du pardon de nos péchés. Toute l’histoire du sacrement de la Pénitence nous montre que ce dernier est un véritable débordement de l’amour de Dieu qui ne veut perdre aucun de ses enfants. Pour cela, le ministère du pardon est confié à l’Église (cf. Jn 20, 22-23) pour rétablir le pécheur dans la communion avec Dieu, avec soi-même et avec les autres. L’Église en fait un commandement, c’est-à-dire un chemin vers le salut : « Tout fidèle parvenu à l’âge de discrétion est tenu par l’obligation de confesser fidèlement ses péchés graves au moins une fois par an » (cf. Can. 989). Toutefois, le chemin de la confesse reste et demeure un élan du pécheur au cœur contrit, travaillé même au fond de sa misère par le désir de revenir à la communication avec le Père (cf. Lc 15, 11-32 / R P numéro 5).

Le troisième commandement : Ton Créateur tu recevras au moins à Pâques humblement

     Ce troisième pas est comme une conséquence directe des deux premiers. En effet, si l’obligation de la sainte communion sacramentelle se situe à Pâques, on comprend dès lors que l’obligation de la confession pourrait bien se situer pendant le temps de Carême. De là, apparait le but primordial de la fonction de sanctification de l’Église qui consiste à nous conduire à Jésus. L’union avec le Christ est ce à quoi nous sommes appelés nous dit saint Paul (cf. 1 Co 1,9). Quand les béquilles de la discipline ecclésiastique nous auront soutenu dans la profonde contemplation des mystères de notre salut, nous comprendrons alors mieux le rôle pédagogique des commandements de l’Église ; chemin de vie et de bonheur dans le Christ.

Le quatrième commandement : Les Fêtes tu sanctifieras qui te sont de commandement

    L’année liturgique est scandée par un ensemble de célébrations qui permet au peuple chrétien de se rassembler autour du Christ pour revivre et célébrer toute l’histoire du salut. Comme nous le savons, dans la personne du Christ cette histoire atteint son point culminant. De ce fait, l’année liturgique nous permet de revire les événements de la vie du Christ lui-même en qui le salut véritable est donné à tout le genre humain. En ce sens, le quatrième commandement de l’Église nous invite à demeurer fidèles dans la communion de l’Église en respectant les fêtes d’obligation qui ont pour but de nous adjoindre de plus en plus aux mystères de notre salut. D’après ce qui est mis en lumière au Canon 1246, doivent être observés les jours de la Nativité de notre Seigneur Jésus-Christ, de l’Épiphanie, de l’Ascension et du très Saint Corps et Sang du Christ ; le jour de la Sainte Marie Mère de Dieu, de son Immaculée Conception et de son Assomption, de saint Joseph, des saints Apôtres Pierre et Paul et enfin de tous les saints. Chacune de ces célébrations nous renvoie à la reconnaissance de ce que Dieu a fait pour nous sauver, ce qui constitue le motif fondamental de notre action de grâce. 

Le cinquième commandement : Tu garderas le jeûne prescrit et l’abstinence également

     Le jeûne et l’abstinence sont des pratiques religieuses très anciennes qui sont corrélatifs à la pénitence. On en parle souvent dans l’Ancien Testament ; on peut citer le cas de Moïse qui passa quarante jours et quarante nuits sans manger ni boire comme une sorte de préparation spirituelle avant de recevoir les tables de la loi (cf. Ex 34, 28 / Dt 9, 9-10) ; il y a aussi le cas de Daniel (Dn 9, 3. 10, 3). Dans le Nouveau Testament, Jésus parle du jeûne en précisant la manière de l’accomplir correctement : « Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air triste… mais parfumez votre tête et lavez votre visage… ne montrez pas aux hommes que vous jeûnez, mais votre Père qui voit dans le secret, vous le rendra (cf. Mt 6, 16-18) ». L’Église catholique, qui a pour mission de garder fidèlement l’enseignement du Christ, invite les fidèles à accueillir chaque vendredi de toute l’année et le temps du Carême, comme jours et temps de pénitence (cf. Can. 1250). Toutefois, de manière obligatoire le jeûne et l’abstinence doivent être observés le mercredi des Cendres et le vendredi saint. Cela est le contenu même du cinquième commandement qui met en évidence la pratique du jeûne et de l’abstinence telle que prévue par le droit canonique et selon les éventuelles législations propres aux églises particulières selon le jugement de l’Évêque diocésain (cf. CIC. Can. 1251-1253).

Le sixième commandement : Les fidèles ont encore l’obligation de subvenir, chacun selon ses capacités, aux nécessités de l’Église.

    Le sixième et dernier commandement de l’Église nous fait penser à la participation financière des fidèles aux activités de l’Église. Cette idée de participation économique revêt aujourd’hui plusieurs formes. On parle généralement de la dime, de l’offrande et du denier du culte. Quelle que soit la forme de participation envisagée, nous devons reconnaitre que l’idée se trouvait déjà dans les Saintes Écritures et apparaissait même dans l’Ancien Testament comme un ordre divin. Dans le catholicisme, la participation financière des fidèles est obligatoire et libre en même temps. Elle matérialise le désir de soutenir les besoins de la vie communautaire et la charité pour reprendre les propos de Tertullien qui depuis le troisième siècle encourageait les chrétiens à suivre les traces de charité vécues depuis la première communauté chrétienne (Ac 2, 42-47). Aujourd’hui encore, il est nécessaire que les fidèles prennent conscience de ce devoir qu’ils ont envers l’Église dont le cadre est précisé dans le Canon 222 : « Les fidèles sont tenus par l’obligation de subvenir aux besoins de l’Église afin qu’elle dispose de ce qui est nécessaire au culte divin, aux œuvres d’apostolat et de charité et à l’honnête subsistance de ses ministres ».

Vie morale et liturgie sont indéfectiblement liées. Avec les commandements de l’Église nous avons des précisions canoniques qui nous portent à redécouvrir le sens de notre appartenance à l’Église. Ces commandements constituent véritablement la voie qui achemine nos efforts dans la vie vertueuse vers les réalités salvifiques célébrées en chaque Eucharistie.

Ricardo A.


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